Histoires en livres scènes images et voix

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Le Vol des vautours - Episode 15.2

Adaptation littéraire du scénario éponyme déposé à la SACD en 2001

  © 2011 - Rémi Le Mazilier

  Tous droits réservés

 

 

 

 

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15.2 

 

  

 

 

 

 

Cédric s’arrête sous l’effet de la détonation, le regard horrifié. Il crie à nouveau :

 

- Serge !

 

 

 

Sébastien, adossé contre le rocher, le buste penché sur le côté, les bras ballants, a la chemise ensanglantée. Sa casquette a glissé. Il crispe le visage sous l’effet d’une vive douleur. Ses dents s’exhibent entre sa barbe. Sa bouche entrouverte livre une plainte étouffée. Sur le sol, parmi les cailloux blancs, la flûte, tachée de sang. Son chien aboie furieusement en regardant du côté du tireur qu’il ne voit pas. Nouvelle détonation. Le chien s’écroule, terrassé, le corps percé de plombs.

 

 

 

...La détonation résonne sur la lande.

 

 

 

Cédric se plaque sur le sol.

 

 

 

Michael grimpe la colline rocailleuse, rouge comme un coquelicot, essoufflé, la casquette à la main. Il sue à grosses gouttes. Il apparaît de derrière la butte qui lui masquait le berger. Il se précipite vers Sébastien. Aucun son ne peut sortir de la bouche de l’enfant. Arrivé près de lui, il s’agenouille. Le blessé gémit, les yeux clos, paupières plissées par la douleur. Parvenant à retrouver ce qu’il faut de souffle, l’enfant supplie de réagir.

 

- Sébastien ! Sébastien !

 

Le berger tâtonne maladroitement le sol pour ramasser la flûte ; ouvrant péniblement les yeux et esquissant un sourire abîmé de souffrance, un peu d’écume sur les lèvres fanées par le soleil, il offre à Michael le petit instrument de musique.

 

- Tiens…, prends…, je te la donne.

 

Sébastien est convaincu de vivre ses dernières minutes. Il souffre mais il est heureux ; il va quitter son cher causse où il est né, où il a grandi, où il a vécu, et en le défendant jusqu’au bout becs et ongles... Il va expirer, là, sur ces cailloux acérés, sous le soleil, ayant jouer ses dernières notes, près de son chien Pipo, avec, pour dernière vision, le visage d’un enfant qui l’admire et qui a la vocation d’un berger. Ce pathétique lui convient. C’est un don du ciel, du ciel des vautours. Il se sent partir satisfait et apaisé. Il lâche la flûte, qui tombe car l’enfant n’a pas osé la saisir. Il baisse les paupières, ne bouge plus. Michael éclate en sanglots, saisit les mains de Sébastien - elles sont chaudes. Soudain effrayé par la vue de ces mains ensanglantées, l’enfant les lâche. Il regarde ses propres mains souillées de sang, se redresse, les essuie sur les pierres ; un temps d’hésitation puis il ramasse la flûte, elle aussi tachée de sang. Il part en courant, oubliant sa casquette, gardant serrée dans ses doigts la flûte de son cher Sébastien. Il faut regagner le village, et vite. Michael ne croit pas totalement à une mort certaine de son ami des landes. Il a quitté un homme qui geignait mais qui respirait encore...

 

 

 

Serge tourne le dos à son crime, le fusil à la main, se lance dans une course éperdue sur la lande qu'il vient d'ensanglanter. 

 

 

 

Caché derrière un rocher, étendu sur le sol, Cédric épie les déplacements du meurtrier. Le cœur de l'adolescent tambourine sur sa poitrine.

 

 

 

Seul au milieu de la lande, près du gros rocher, gît le corps de Sébastien, la dépouille du Border Collie à-côté. Au-dessus de son visage figé aux yeux clos, le vent agite la chevelure hirsute. La grosse barbe s’anime imperceptiblement, trop dense pour être plus visiblement taquinée par la brise. On dirait que le berger dort, comme il l'a toujours fait durant ses longues gardes, somnolant. ou abandonné à des rêves secrets, paisible… Une douzaine de vautours fauves tournoient lentement dans le ciel et resserrent leur cercle.

 

 

 

Sur le chemin, en vélo, l’enfant roule à vive allure en direction du village. Un léger nuage de poussière, étriqué, fait trace derrière son passage. 

 

 

 

Serge ralentit le pas pour observer le chemin qui court sur la lande à une centaine de mètres en contrebas, craignant d’être suivi par les témoins. Y voyant l’enfant à vélo, il se baisse pour se dissimuler, se redresse, court se cacher derrière une barre rocheuse. Accroupi près des rochers, il sort une cartouche de chasse d’une poche, l’introduit dans le canon du fusil, épaule l’arme. Il est trop tard pour reculer. Le criminel se sent découvert. Sa folie monte d’un cran. Il décide de s’y abandonner. Supprimer les témoins ! Il vise l’enfant. Sans se déplacer, il le suit du bout du canon. Il tire. Troisième détonation sur la lande. Michael tombe. Serge sort nerveusement une nouvelle cartouche de sa poche, l’introduit dans le fusil avec précipitation, surveille le chemin un instant, fusil épaulé. Au loin, le vélo de Michael est couché sur le sol près d’un fossé. Sans l’enfant. Dans sa folie, il a oublié que le fils de l’aubergiste a tout vu. Il abaisse l’arme qu’il pose sur le sol puis tire de son pantalon le flacon et boit une longue gorgée. Il range la flasque, ramasse le fusil et reprend sa course éperdue. Les vautours fauves tournoient toujours dans le ciel. Un éclair dans sa tête : se débarrasser du fusil ! Un aven, dans le secteur, fera l’affaire.

 

 

 

Cédric apparaît au sommet de la colline où gît Sébastien. Il dévale vers le corps.

 

 

 

Dans la lande, Serge s’arrête, cherche ses repères puis se remet à courir. Il arrive près d’un gouffre naturel qu’il connaît, un aven à large ouverture. Il s’apprête à jeter le fusil mais pense qu’il convient d’effacer ses empreintes. Il sort un mouchoir, frotte l’arme sur toute sa surface puis la jette. La crosse heurte les parois. Un coup de feu part dans la direction de l’homme.

 

 

 

Michael, la peur dans les yeux, est tapis à terre en contrebas du chemin à proximité du vélo. L’écho de cette nouvelle détonation semble l’encercler. Instinctivement, il se colle au sol, y reste une longue minute immobile avant de lever prudemment la tête pour regarder la lande.

 

 

 

Au bord du gouffre, les mains sur le ventre qui saigne, Serge râle et se tord. Il bascule en avant, s’écroule sur le bord incliné du gouffre où il glisse, tentant vainement de s’agripper à la végétation rampante qui s’arrache sous son poids. Il disparaît, aspiré par les profondeurs. Pas un cri. Bruit mat d’un corps qui s’écrase au fond de l’abîme. Le meurtrier tombe sur la vieille charogne d’une brebis.  La fatalité aura eu raison de lui et de ses crimes.

 

 

De longues traînées de sang frais apposent sa signature sur la paroi de l’aven…

 

 

 

Une demi-heure plus tard, une voiture particulière roule sur le chemin à travers la lande puis stoppe au bas de la colline des « caves ». Marcel, Catherine, Cédric et Michael en descendent et grimpent promptement la colline. Dans le ciel de cette fin d’après-midi, le tournoiement incessant et silencieux des vautours fait mauvais augure. 

 

 

 

Dans la nuit d'un soir rafraîchi, les murs de pierre du village sont balayés par la lumière bleue d’un gyrophare. Des badauds entourent le véhicule de secours qui en est coiffé. Parmi eux, Catherine et son garçonnet, Marcel et Cédric, Pierrette et Marie-Jo. Trois uniformes sombres à képis bleus sont dans le groupe. L’ambulance démarre et quitte le village. Sur le côté de la route stationne une estafette de la Gendarmerie.

 

 

 

...

 

 

 

Bien après minuit, sur la lande qu’éclaire le dernier quartier de lune, d’innombrables lampes torches oscillent dans la nuit. Les aboiements d’un chien accompagnent les prospecteurs. De nombreux gendarmes effectuent une battue à la recherche du criminel. Un itinéraire, à partir du lieu de l’agression, va les conduire à un aven marqué de sang. A l’aurore, des gendarmes de haute montagne s’équiperont en spéléologues pour l’inspecter. L’un d’entre eux, ayant atteint le fond du gouffre, se perdra en conjectures : chute involontaire, suicide ? La blessure à bout portant dans le ventre l’interrogera. Un second gendarme rejoindra le premier ; peu de temps après, des hommes tireront sur des poignées fixées à un assemblage complexe de cordes au dessus du trou. Le mouvement sur les poignées fera monter une corde ; un sac de toile, ayant la dimension d’un homme, émergera de l’abîme. De l’orifice surgira un gendarme spéléologue, en parallèle sur une autre corde. L’affaire n’aura pas de suite... La mort du meurtrier aura éteint l’action pénale.

 

Ce matin, le brave Grégoire n’aiguisera pas ses couteaux sur la vieille meule et le petit Michael fera une très grasse matinée.

 

A suivre...

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01/03/2020
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